Quelles solutions pour les start-ups touchées par la COVID‑19 dans leur recherche de financement?

L’incidence de la COVID-19 est particulièrement ressentie chez les entreprises en démarrage ou en phase de croissance (start-ups) qui ont besoin de financement à court terme et chez les investisseurs de capital de risque, dont l’apport est essentiel pour soutenir la croissance de ces entreprises et qui doivent prendre des décisions d’investissement dans un contexte d’incertitude généralisée.

Comme plusieurs, nous notons un ralentissement des activités d’investissement et de nombreuses start-ups ont maintenant de la difficulté à clore des rondes de financement ou même à obtenir le temps ou l’attention d’investisseurs potentiels.

Dans ce contexte d’incertitude, nous conseillons aux entrepreneurs qui anticipent le besoin de conclure une ronde de financement prochainement de considérer les items suivants :

Les investisseurs actuels

Il est primordial de considérer les droits des investisseurs actuels qui participent à votre entreprise, contenus dans les documents corporatifs et dans les conventions qui lient les investisseurs et la société, qui pourraient impacter la faisabilité de votre ronde de financement. Par exemple, si une valorisation a été obtenue il y a quelques mois et qu’il est présentement impossible de trouver un nouvel investisseur pour offrir de souscrire les actions de la société à une valorisation égale ou supérieure, il faudra considérer les conséquences de procéder à une ronde de financement pour une valorisation inférieure. Dans certaines circonstances, il se pourrait même que le succès d’une nouvelle ronde de financement dépende entièrement de l’appui et du consentement que les investisseurs actuels sont prêts à donner.

Il se pourrait également que, à certaines conditions, des investisseurs actuels soient prêts à prendre une part du risque auquel fait face la société en participant à une nouvelle ronde de financement.

Finalement, surtout si l’un des investisseurs actuels est un fonds d’investissement en capital de risque ou un investisseur « actif », il est probable que la société ait convenu de jalons précis avec cet investisseur qui pourraient ajouter à la difficulté d’exploiter l’entreprise en temps de pandémie (par exemples, des objectifs agressifs de croissance des ventes ou de la production). Il est possible que votre investisseur se montre compréhensif et accepte de réviser ces jalons et les échéanciers qui y sont associés, ce qui pourrait permettre davantage de flexibilité à la société pour traverser la crise.

Dans tous les cas, nous recommandons la transparence entre la société et ses investisseurs, une approche de « partenaire d’affaires » et, surtout, de ne pas tenter de dissimuler la situation de la société lors des communications de la société avec ses investisseurs.

Les investisseurs potentiels

S’il est nécessaire d’entrer en contact avec de nouveaux investisseurs potentiels, il sera important de connaître la situation actuelle du financier ciblé. Tout le monde étant affecté par la situation de pandémie que nous vivons, il faut comprendre les contraintes auxquelles fait face l’investisseur potentiel afin d’optimiser les recherches de financement et les démarches de « vente ».

Par exemple, si l’investisseur potentiel a une politique ou une stratégie d’investissement précise (une « investment thesis »), il se pourrait que l’investisseur la suive de façon encore plus stricte. À l’inverse, il se pourrait que cette stratégie soit en processus de réévaluation.

Par ailleurs, plusieurs investisseurs potentiels seront impactés par le type de client qu’ils desservent. Par exemple, un gestionnaire au service d’institutions gouvernementales pourrait avoir toujours autant de capital à déployer dans le contexte actuel, contrairement à un gestionnaire dont les clients sont des individus fortunés qui eux-mêmes font face à l’incertitude et à des problèmes de liquidité et mettent de la pression sur le gestionnaire afin qu’il adopte une position plus conservatrice.

Donc, plus que jamais, il faut cibler votre approche et vous assurer que votre investisseur potentiel est disponible pour conclure une transaction dans un avenir rapproché.

Les programmes d’aide

Plusieurs programmes d’aide ont été annoncés par les différents paliers de gouvernements ainsi que par certaines sociétés d’État. Dans le contexte d’une ronde de financement d’entreprise, Export Développement Canada (« EDC ») et la Banque de développement du Canada (la « BDC ») ont toutes deux annoncé des programmes d’aide sous forme de coinvestissement afin de donner accès à du financement additionnel aux entreprises en croissance qui bénéficient déjà de l’appui d’investisseurs.

Ces programmes représentent une bonne opportunité pour les entrepreneurs qui doivent conclure ou amorcer une ronde de financement, qui ne sont pas admissibles à certains autres programmes d’aide gouvernementale et qui ne génèrent pas assez de liquidités pour financer leurs activités par des emprunts à des conditions viables pour leur entreprise.

Le programme annoncé par EDC propose un coinvestissement par EDC d’un montant équivalent à celui envisagé lors d’une ronde de financement admissible, jusqu’à un montant maximal de 5 000 000 $.

Quant au programme annoncé par la BDC, le Programme financement relais BDC Capital prévoit également une aide sous forme de coinvestissement d’un montant équivalent à celui que l’entreprise reçoit d’investisseurs qualifiés :

  1. Le financement de la BDC sera offert sous forme de billets à ordre convertibles, dont les modalités par défaut seront un escompte de 20 % sur le prix par action de la ronde de financement suivante et un terme de trois ans.

    La BDC pourra toutefois décider de s’écarter de ces modalités et d’investir aux mêmes conditions que les investisseurs qui mènent la ronde de financement.

  2. L’entreprise qui reçoit l’investissement doit être une entreprise canadienne ayant déjà levé 500 000 $ en capital externe par le passé, elle doit avoir un modèle commercial éprouvé et elle devait avoir une clientèle existante avant l’impact de la COVID-19.
  3. L’entreprise doit avoir été « directement touchée par la COVID-19 ». Contrairement à certains autres programmes d’aide gouvernementale, il n’y a pas de barème fixe quant à ce critère. Les entreprises peuvent démontrer qu’elles sont touchées par la situation actuelle selon des indicateurs qualitatifs et quantitatifs (par exemple, perturbations de leurs chaînes d’approvisionnement ou de distribution, difficultés à se faire payer, etc.). L’important sera de démontrer que leur manque de liquidité et leur difficulté à conclure une ronde de financement sont liés à l’impact de la COVID-19 et non à une situation inhérente à l’entreprise.
  4. La ronde de financement pour laquelle un coinvestissement de la BDC est demandé devra avoir débuté après le 1er février 2020.
  5. La ronde de financement doit être d’un montant minimum de 250 000 $ (avant l’investissement de la BDC) et la ronde de financement globale doit permettre d’assurer 18 mois de « durée de vie » pour l’entreprise avant qu’un financement additionnel soit nécessaire.

    Par exemple, une entreprise qui a un taux d’épuisement du capital (burn rate) mensuel de 30 000 $ pour ses activités d’exploitation et qui bénéficie d’un financement de 300 000 $ respecterait ce critère car (1) la ronde de financement, avant l’investissement de la BDC, est de plus de 250 000 $, et (2) la ronde de financement globale, y compris le coinvestissement de la BDC, serait de 600 000 $ et assurerait la survie de l’entreprise pendant 20 mois, selon son taux d’épuisement du capital actuel.

  6. Il n’y a pas de critères fixes aux fins de déterminer qui est un « investisseur admissible ». Toutefois, nous comprenons que l’investisseur doit être une firme privée qui a démontré sa capacité comme investisseur principal et meneur dans le processus de vérification diligente de la ronde de financement concernée. L’investisseur peut ne pas être canadien, mais il doit être suffisamment reconnu et crédible au Canada.

Nous considérons que cette offre de financement sous forme de billets convertibles présente trois principaux avantages dans le contexte actuel :

  1. Elle permet d’augmenter la valeur « post-financement » totale de l’entreprise, sous forme de liquidités additionnelles, et la taille de la ronde de financement sans augmenter le risque de l’investisseur principal, ce qui a pour effet de rendre l’investissement plus attrayant;
  2. Elle évite les questions de valorisation de l’entreprise dans l’immédiat, ce qui permet à l’investisseur principal de garder le contrôle sur le processus de valorisation pendant la ronde de financement;
  3. Elle est relativement simple, rapide et peu coûteuse, et ne devrait pas alourdir le processus prévu ou souhaité par l’investisseur principal.

En somme, ces programmes d’aide sous forme de coinvestissement sont intéressants en ce qu’ils peuvent être suggérés à un investisseur par une entreprise éprouvant des besoins de financement et dont la ronde de financement prévue ou en cours est actuellement au point mort en raison de la situation créée par la COVID-19.

D’autre part, le programme peut également être un élément intéressant à considérer pour un investisseur qui souhaite s’adjoindre un « coinvestisseur » ou qui apprécierait que la ronde de financement atteigne un certain seuil pour ainsi s’assurer que l’entreprise dans laquelle il investit ne manque pas de liquidités trop rapidement à la suite de son investissement, surtout dans le contexte actuel où il est difficile de prévoir les rondes de financement futures.

Il faudra toutefois que les parties souhaitant bénéficier de tels programmes s’assurent que leur situation réponde aux critères du programme et que les modalités du financement offert dans le cadre du programme d’aide sont prises en compte dans le contexte de l’opération.

Conclusion

Les start-ups qui ont actuellement besoin de financement devraient d’abord et avant tout consulter leurs investisseurs actuels afin d’essayer de dégager de la marge de manœuvre et d’évaluer la possibilité de rapidement obtenir du financement dont une partie pourrait provenir d’un des programmes d’aide offerts.

Dans tous les cas, il faudra mesurer l’incidence qu’un nouveau financement serait susceptible d’avoir sur les droits et obligations qui existent entre la société et ses investisseurs actuels pour s’assurer qu’un nouveau financement ne soit pas déclencheur de droits ou recours particuliers ni source d’ambiguïtés, de contradictions, voire de cas de défaut.

Pour plus de renseignements à ce sujet ou pour connaître les autres mesures susceptibles de venir en aide à votre entreprise, n’hésitez pas à communiquer avec l’équipe Lavery.

Notre équipe suit de près l’évolution de l’actualité relative à la COVID-19 pour appuyer au mieux nos clients et partenaires d’affaires. Nous vous invitons à consulter la page qui centralise tous les outils et l'information qui sont produits par nos professionnels.

Retour à la liste des publications

Écrit par

Collaborateurs

Restez à l'affût des nouvelles juridiques de l'heure. Abonnez-vous à notre infolettre.

M'abonner aux publications